L’influence de l’intelligence artificielle : Pourquoi privilégier un diagnostic effectué par un·e psychologue pour le dépistage et le suivi du TSA ?
L’intelligence artificielle (IA) joue un rôle croissant dans le domaine de la santé mentale, offrant des outils capables de détecter des signaux comportementaux subtils et d’analyser des données complexes à des vitesses inégalées. Cependant, dans le contexte du trouble du spectre de l’autisme (TSA), la question de savoir si l’IA peut se substituer à l’expertise humaine dans le diagnostic et le suivi reste controversée. Cet article examine les limites de l’IA dans ce domaine et explore pourquoi l’intervention d’un·e psychologue qualifié·e demeure essentielle pour un dépistage et un suivi efficaces.
L’essor de l’IA dans le diagnostic des troubles neurodéveloppementaux
L’IA a considérablement évolué au cours des dernières années, s’intégrant dans divers aspects de la santé mentale. Dans le cas du TSA, les algorithmes d’apprentissage automatique peuvent analyser des données multimodales, telles que des vidéos d’interactions sociales, des patterns de langage et des expressions faciales. Ces outils visent à fournir des diagnostics préliminaires en identifiant des anomalies comportementales ou des traits associés à l’autisme.
Ces systèmes, entraînés sur de vastes bases de données, affichent un potentiel prometteur, notamment dans des contextes où l’accès aux professionnels de santé mentale est limité. En théorie, ils permettent une détection rapide et économique, réduisant ainsi les délais souvent associés au diagnostic traditionnel du TSA.
Les limites des outils d’intelligence artificielle
1. Complexité du TSA
Le TSA est un trouble neurodéveloppemental hétérogène, se manifestant par une variété de comportements et de niveaux de gravité. L’évaluation nécessite une compréhension approfondie des nuances sociales, culturelles et contextuelles qui influencent le comportement humain. Les outils d’IA, bien qu’efficaces pour repérer certains motifs dans les données, manquent de la sensibilité nécessaire pour interpréter ces subtilités.
2. Biais dans les algorithmes
Les algorithmes d’IA sont entraînés à partir de bases de données qui peuvent être biaisées, par exemple en privilégiant des populations spécifiques ou en excluant des contextes culturels diversifiés. Ce biais peut conduire à des diagnostics erronés ou à une incapacité à détecter le TSA chez certaines populations, notamment celles qui s’écartent des profils majoritaires.
3. Absence de jugement clinique
L’IA fonctionne sur des modèles probabilistes, tandis qu’un·e psychologue qualifié·e s’appuie sur une expertise clinique pour évaluer l’ensemble des informations contextuelles, familiales et historiques de l’individu. Cette dimension humaine est indispensable pour comprendre l’impact du TSA sur la vie quotidienne et élaborer des recommandations adaptées.
Rôle crucial des psychologues dans le dépistage et le suivi
1. Approche holistique
Un·e psychologue adopte une approche multidimensionnelle, intégrant non seulement des évaluations comportementales standardisées, mais également des entretiens approfondis avec l’individu et sa famille. Cette perspective permet de prendre en compte des facteurs que les outils d’IA ne peuvent pas analyser, tels que les dynamiques familiales, les expériences traumatiques ou les variations culturelles.
2. Expertise dans les évaluations normatives
Les psychologues utilisent des outils validés scientifiquement, tels que l’ADI-R (Autism Diagnostic Interview-Revised) et l’ADOS-2 (Autism Diagnostic Observation Schedule), qui nécessitent une formation spécialisée pour être administrés et interprétés correctement. Ces instruments offrent une précision diagnostique bien supérieure à celle des systèmes automatisés.
3. Suivi personnalisé
Le diagnostic de TSA n’est que la première étape d’un processus complexe. Un·e psychologue joue un rôle essentiel dans le suivi, en adaptant les interventions aux besoins spécifiques de l’individu et en travaillant en collaboration avec des éducateurs, des thérapeutes et d’autres professionnels de la santé.
Les dangers d’une dépendance excessive à l’IA
Une utilisation excessive des outils d’IA peut entraîner des risques significatifs, notamment :
• Sur-diagnostic ou sous-diagnostic : Des résultats biaisés ou imprécis peuvent entraîner un traitement inapproprié ou un retard dans l’accès à des services nécessaires.
• Déshumanisation du processus : Le diagnostic du TSA implique une dimension humaine et émotionnelle que les machines ne peuvent pas reproduire.
• Perte de confiance dans le système de santé : Les erreurs des systèmes d’IA peuvent éroder la confiance des patients et des familles dans le diagnostic et les recommandations.
Perspectives futures
Si l’IA ne peut pas remplacer les psychologues, elle peut néanmoins les assister. Par exemple :
• Les outils d’IA peuvent agir comme un système d’alerte précoce, en identifiant des signaux comportementaux subtils nécessitant une évaluation plus approfondie.
• Ils peuvent également alléger la charge administrative des professionnel·le·s, en automatisant la collecte et l’analyse des données préliminaires.
Pour maximiser les avantages de l’IA tout en minimisant ses risques, une collaboration étroite entre psychologues, développeurs d’IA et chercheurs en santé mentale est indispensable.
Conclusion
L’intelligence artificielle représente une avancée importante dans le domaine du dépistage des troubles neurodéveloppementaux comme le TSA. Cependant, en raison de ses limites techniques et éthiques, elle ne peut pas se substituer à l’expertise humaine. Les psychologues, avec leur approche holistique et leur jugement clinique, demeurent les acteurs clés du diagnostic et du suivi des individus atteints de TSA. L’IA peut être un outil complémentaire, mais elle ne doit jamais remplacer la relation humaine et l’analyse approfondie qui sous-tendent une évaluation efficace et personnalisée.
Les sources :
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• Brandsen, S. (2024, February 22). Duke Autism Research Explained - Bias against neurodiversity-related words in AI language models. Duke Center for Autism and Brain Development. https://autismcenter.duke.edu/news/duke-autism-research-explained-bias-against-neurodiversity-related-words-ai-language-models
• Chowdhury, S. (2023). Diagnosing Autism More Precisely. Colby Magazine. https://magazine.colby.edu/issue/vol-110-issue-1/diagnosing-autism-more-precisely/
• Kanne, S. M., Carpenter, L. A., & Warren, Z. (2020). The Role of Artificial Intelligence in the Screening and Diagnosis of Autism Spectrum Disorder. Journal of Autism and Developmental Disorders, 50(6), 2120–2130. https://doi.org/10.1007/s10803-019-03967-8
• Rainbow ABA Therapy. (n.d.). Pros and Cons of Online Autism Diagnosis. https://rainbowtherapy.org/blogs-pros-and-cons-of-online-autism-diagnosis/
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